Cyril Lemoine est cycliste professionnel depuis 2003. Il participe à son quatrième Tour de France avec l’équipe Cofidis. Pendant les trois semaines que dure l’événement, Cyril nous fait partager SON Tour de France. L’occasion de découvrir la grande boucle d’un angle différent à travers un coureur sympathique et disponible.
Vendredi 18 juillet, treizième étape
« J’ai passé une sale journée. Je n’avais pas de bonnes jambes, j’ai subi. Je suis passé par tous les états. Dans la tête il y a eu des moments durs. Comme on dit dans le jargon : j’ai eu l’impression de me faire taper dessus toute la journée. Sur trois semaines de compétitions, il y a forcément des jours sans. Aujourd’hui en était un. J’espère que si il y en a un autre ce sera sur une étape de plaine car sur les étapes de montagne c’est compliqué à gérer.
Les hostilités ont commencé assez rapidement. J’ai aidé un de mes coéquipiers à remonter le peloton jusqu’au pied du deuxième col. On roulait à fond, aux alentours de 60 kms/h, sur le plat. Quand je suis arrivé au début du col, je n’avais pas encore récupéré de mon effort. Je me suis écarté, j’avais fait mon boulot. Mais la montée du col a été vraiment difficile. J’ai entendu les mecs qui criaient « gruppetto »pour que le groupe s’organise. Même dans ce groupe, j’avais du mal à suivre. Je me suis accroché pour tenir. Je pense que j’étais sous-alimenté. Dès que j’ai pu manger un morceau, j’ai retrouvé de l’énergie.
En plus, la chaleur était pesante. Dans les cols, il y a peu de vent, c’est comme être dans un four. On souffre. On essaye de s’arroser, nos maillots sont trempés. Dans les chaussures, avec les frottements accumulés à la chaleur, les pieds brulent. Dans ces conditions, il faut s’hydrater en permanence.
En haut des cols, le staff de l’encadrement est placé pour nous distribuer des bidons. Le reste du temps, il faut appeler la voiture de l’équipe. La technique est simple : le coureur se met à l’arrière du peloton et lève la main. Le directeur de course appelle la voiture concernée. Celle-ci double les autres et se rapproche du peloton. Le coureur désigné par l’équipe vient récupérer les bidons pour lui et ses coéquipiers. C’est un petit exercice assez fatiguant car il faut ensuite remonter tout le peloton avec sept ou huit bidons (de 500 g chacun) pour les distribuer à ses coéquipiers. Aujourd’hui, je l’ai fait une fois avant les deux derniers cols. On essaie de mettre tout en place pour que les grimpeurs de l’équipe soient au top dans les cols. Malheureusement, le meilleur grimpeur de notre équipe, Dany Navarro (9ème de l’édition 2013), a du abandonner après avoir vomi plusieurs fois. Dans l’équipe nous sommes tous déçu pour lui mais on ne s’apitoie pas sur notre sort. On essaie de rigoler, de positiver et de se changer les idées.
Dans le vélo, nous fonctionnons en équipe. Tous les matins, le manager nous rassemble pour faire un récapitulatif de l’étape de la veille : ce qui a marché et ce qui n’a pas fonctionné. Jusqu’à aujourd’hui, il y a eu beaucoup de positif. Puis le directeur sportif nous fait un briefing de la course du jour. Les rôles sont définis en fonction de la fraicheur et des sensations de chacun. Tous les jours, ça change.
Au fil de l’étape, il peut encore y avoir des changements. Nous avons tous une oreillette dans laquelle nous sont signalés les changements tactiques pendant l’épreuve. Ce petit objet léger ne nous gêne pas. Il peut aussi être utile en cas de dangers ou d’obstacles identifiés sur la route. Un îlot directionnel, une chute à l’avant ou une route fondu à cause de la chaleur, ce sont des informations essentielles.
D’autres infos essentielles : les profils de chaque étape. Tous les cyclistes ont reçu en début du Tour vingt-et-un papiers détaillant les étapes. Chaque jour, je les découpent et les scotchent sur mon guidon, autour de la potence. Cela permet de me donner des repères. Toutes les infos importantes sont notées : les kilomètres, les sommets, les longueurs de cols, les pourcentages moyens de chaque pente…

Le vélo de Cyril Lemoine avec le profil de la course scotché sur le guidon
Demain, nous restons dans les montagnes. J’espère que pour moi la journée sera moins éprouvante. Comme chaque jour, j’ai utilisé le temps de trajet en bus pour commencer ma récup’ avec des bottes spéciales qui font à la fois cryothérapie et pressiothérapie avant de passer, une fois à l’hôtel, entre les doigts de mon kiné. Et demain, l’aventure continue… »
Propos recueillis par Méryll Boulangeat @Meryll_B